Quand on regarde les rapports entre les générations, la question des différences se pose avec une certaine évidence et moi je dis tant mieux ! Ce fossé des générations n’est pas nouveau. Mais avec 4 générations sur le marché du travail ayant une relation différente au temps, à l’organisation, à l’autorité et à l’autre, ça représente en soi une situation inédite.

L’approche générationnelle s’impose comme une grille d’action indispensable en terme de management et nécessite aujourd’hui une approche renouvelée. C’est la raison pour laquelle la Fondation aaa s’intéresse à ces questions, afin de porter un regard plus proactif sur l’utilité des relations intergénérationnelles en entreprise et d’en finir avec les idées reçues sur l’âge.

Pour qu’on s’entende tous, ce matin, sur la notion d’une collaboration (ou coopération) intergénérationnelle performante, je la définirai comme un nouveau dialogue entre les générations qui privilégie la qualité et l’efficacité des échanges réciproques et qui repose sur la complémentarité des expériences et compétences en capitalisant sur nos différences pour en faire une plus-value.

 

Précisons que la seule mixité des équipes (avec une diversité d’âge, de sexe, de culture…) n’est pas suffisante pour parler de collaboration performante; Vous le savez bien, l’efficacité d’une équipe ne dépend pas de la seule diversité des gens qui la compose ni de la juxtaposition des talents individuels mais bien de la manière dont ces gens interagissent entre eux.

Pour illustrer cette collaboration, nous avons pu relever, dans les entreprises interrogées, plus d’une 20 aines de différentes pratiques interG.

Les plus connues sont le mentoring, le reverse mentoring ou les shadow comex.

Si certaines de ces pratiques ne sont pas nouvelles, on constate actuellement un regain d’intérêt pour renouveler ces pratiques. Il faut dire que leur pouvoir hautement collaboratif correspond tout à fait à la façon dont les jeunes générations travaillent et que, renouvelées, elles deviennent de véritables vecteur d’innovation et de digitalisation pour l’entreprise.

 

Nous, à la Fondation, notre ambition, c’est d’inciter les employeurs à repositionner la collaboration intergénérationnelle comme un enjeu stratégique pour l’entreprise.

3 questions :

Pourquoi les employeurs devraient s’y engager ? Comment ? Et dans quel objectif ?

 

  • Pourquoi les employeurs devraient s’engager à repositionner la collaboration intergénérationnelle comme un enjeu stratégique

J’y voit au minimum 2 raisons structurelles principales :

  • La 1ere raison : la population active vieillit : un tiers des travailleurs suisse (33,6%) va avoir plus de 50 ans en 2050 sachant qu’aujourd’hui un travailleur sur cinq a déjà plus de 55 ans.

 

Les entreprises vont devoir s’adapter à cette main d’œuvre vieillissante et, au vu des chiffres, elles doivent le faire rapidement en facilitant le maintien en emploi et en offrant au plus de 50 ans de meilleures opportunités et incitations à continuer à travailler.

 

 

  • La seconde raison qui pousse à faire de la collaboration interG un enjeu stratégique tient au fait que: les avancées scientifiques et en particulier la révolution numérique, ont réduit la durée de vie des compétences. Auj 50% de la pertinence d’une compétence a disparu au bout de 5 ans.

Face à cette obsolescence des compétences, les entreprises ont un enjeu de taille : maintenir, enrichir et adapter les compétences stratégiques pour rester concurrentielles sur leur marché et donc pérennes.

Et surtout éviter que l’obsolescence des compétences ne devienne l’obsolescence programmée des collaborateurs.

B-: Alors, maintenant que l’on a saisi l’enjeu, comment fait-on ?

 Comment créer de la complémentarité entre les générations ?

Aujourd’hui, c’est un fait, l’entreprise est multigénérationnelle.

Cependant, au-delà des similitudes supposées entre membres d’une même cohorte et des différences de comportements entre les générations, ne pensez-vous pas que, quel que soit notre âge, on se rejoint tous sur cette quête de sens qui incite chacun à vouloir : être acceptés, être aimés et reconnus, être stimulés et engagés dans ce que nous faisons dans notre vie et tout particulièrement au travail.

Et maintenant que nous disposons d’une cartographie assez fine des attentes des différentes générations, on peut envisager une approche plus intégrée et plus inclusive de la diversité générationnelle, centrée sur la mobilisation de pratiques interG, au-delà de la seule segmentation par groupe d’âge.

Privilégier la qualité du lien, la qualité des interactions permettrai de promouvoir la collaboration, l’égalité de traitement et l’équité entre toutes les générations.

Ces pratiques intergénérationnelles, qui privilégient la qualité relationnelle, exigent au préalable un comportement collaboratif entre les générations. Et pour ça, il est primordial de mettre en place un contexte qui encourage ces bons comportements et qui évite que l’âge soit un prétexte pour rompre le dialogue.

A l’entreprise de s’y impliquer en favoriser un environnement « safe » en combattant le plus possible les aprioris sur chaque génération.

Vous connaissez le projet Aristote de Google, qui a enquêté sur 180 (vingt) équipes et analyser plus de 200 paramètres pour connaitre les clés de réussite d’1 équipe performante. Savez-vous quel est le 1er facteur de performance ? la sécurité psychologique de l’équipe (c’est-à dire un environnement propice à la confiance, au respect, au droit à l’erreur, à l’écoute, à la différence, à l’expression de chacun)

Il est en effet nécessaire de travailler sur la perception qu’on les entreprises (et chacun d’entre nous) sur l’âge pour renforcer la cohésion interG

On sait que c’est par rapport à l’âge (aussi bien vis-à-vis des séniors que des jeunes) que les préjugés apparaissent le plus rapidement dans le milieu professionnel.

Et, contrairement à d’autres formes de discrimination, l’âgisme n’est pas interdit par la loi en suisse. Il n’existe à ce jour aucune base légale pour des plaintes relatives à une discrimination liée à l’âge dans les rapports de travail du secteur privé.

Notre Fondation, en organisant régulièrement des rencontres intergénérationnelles, est un lieu propice pour combattre nos préjugés.

Favoriser tous les leviers de la collaboration entre les générations impliquent également de faire évoluer l’accompagnement managérial.

Il ne s’agit pas ici d’aider les managers à manager la génération Y ou Z ou alpha mais de manager la relation c’est-à-dire de faire travailler ensemble plusieurs générations en fluidifiant les rapports interpersonnels tout en fidélisant les jeunes à l’entreprise et en valorisant les seniors.

 

3eme et dernier point : Dans quel but optimiser les échanges entre générations ? i Quel est l’objectif ?

Ils sont si nombreux que je ne retiendrai que les plus pertinents.

  • Pour l’entreprise: il y a un intérêt stratégique car c’est une réponse interne aux enjeux de transfert, de gestion des compétences et d’innovation et donc de survie pour l’entreprise.

 

Il y a aussi un intérêt économique car une meilleure complémentarité des compétences permet d’améliorer les chiffres de la performance des équipes.

Et enfin, il y a un intérêt social car une meilleure compréhension des besoins de chaque génération et une qualité de communication, permet d’entretenir des relations sociales durablement apaisées entre toutes les générations et par la même réduire les burn out ou les démissions (c’est bon pour la rétention des talents)

  • Les avantages pour les collaborateurs sont également nombreux: ces échanges interG augmentent leur engagement car ils se sentent écoutés et utiles (avec le phénomène actuel de la « grande démission » c’est vraiment d’actualité)

Ces échanges sont un vecteur rapide de développement professionnel, de montée en compétences et d’amélioration des softs skills de chaque collaborateur.

J’ajouterai que ces pratiques sont un levier d’intégration pour la jeune génération et un levier de non-exclusion des séniors.

En conclusion, je dirai qu’il faut un engagement fort des dirigeants à rendre leur organisation plus apprenante.

Cette démarche, il faut l’encourager et l’entretenir au quotidien, via une culture d’entreprise qui valorise, rassure, soutient et crée des liens de qualité. Sans cette prise de conscience, les départs seront nombreux, non pas pour aller élever des chèvres dans le Larzac, mais pour rejoindre la concurrence !

 

Alors Action !